Si je réponds tardivement à ta lettre de 19 heures, Eva,
c’est d’abord parce qu’il y a des lettres comme celle-là qu’il faut laisser se
déposer en soi. Pour que l’eau de la rivière qui nous emporte soit claire. La
précipitation dans la réponse peut montrer un élan, et ce n’est pas rien, mais
elle peut aussi conduire à jouer au mikado avec des lieux communs. Pour l’élan,
dont je ne pouvais me priver, je l’ai laissé paraître dans deux échos que tu as
peut-être déjà vus dans la page que j’ai mise en ligne ce soir. Et quelle douce
coïncidence de retrouver ton élan dans la saisissante photo qu’accompagnent ces
mots, “ce matin j'aurais dû être baleine, Gadenne”, des mots auxquels plusieurs
sens peuvent être donnés – et j’en ai choisi un qui me remplit d’une désirante
tendresse.
Quant à ta lettre,
j’en entends tout, oui tout – et sinon je te le dirais car cela fait partie de
notre complicité – en même temps qu’il me semble entendre les bruissements du
non-dit. Ce qu’il m’importe alors de te dire, ô femme si mystérieusement
poreuse, c’est que je ne suis pas disposé à “tarir la source avant l’heure”. Tu
es entrée dans ma vie comme ces feuilles ailées sur le dessin que je t’ai
envoyé. Il n’y a eu ni préméditation ni perspective dans ces phrases par
lesquelles nous avons commencé à nous déployer l’un pour l’autre. C’est pour
moi une aventure intérieure partagée et cela doit le rester. Personne ne doit
ni s’interroger sur ni pâtir de ce que nous avons commencé à échanger. C’est à
cette condition que nous pourrons, comme je t’en disais l’envie ce matin, nous
écrire, nous voir, nous parler sans gêne ni déguisement, au gré des désirs
pourvu qu’ils soient partagés.
J’aimerais que tu
puisses lire ces quelques lignes avant de t’endormir. Pour que rien de ce qui
s’est mis à circuler entre toi et moi n’aille troubler ton sommeil. Je
t’embrasse comme si je pouvais à l’instant te caresser de la plus musicale
manière.
Jules Varen
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