Des joutes d'amour pour le Jour de Joutes

Bonjour aux amoureux des belles lettres,

Nous publions ici les réponses à des lettres datant de 1939, trouvées près du canal d'Arles à Bouc, et signées d'un Pierre.
Ces réponses fictives ont été rédigées par Brigitte Curdel.
Elles furent prétexte à un concours de lettres, poèmes et mots d'amour, reçus dans le cadre des "Joutes d'Amour" des Territoires Poétiques, qui avaient lieu en juin 2013.

dimanche 12 mai 2013

Je voulais être paysan



Je voulais être paysan pour connaître janvier qui nous aidera à déterminer, à décider sous la plus belle constellation du ciel : les Pléiades, Aldébaran, les Mages et Sirius,
Je voulais être paysan pour connaître février et sa morsure tenace qui nous dit que l’hiver n’est pas fini et  se moque bien des premières fleurs du vaillant amandier, sous l’œil effrayé du rouge-gorge dont le territoire est envahi par les oiseaux du jardin venus demander leur part de graines,
Je voulais être paysan pour connaître mars et son parterre éclatant de l’or du pissenlit qui appelle le printemps, pour savourer l’équinoxe qui revient partager nos jours et nos nuits. C’est le signe pour la grive de reprendre son envol vers le Nord, accompagnée du pinson,
Je voulais être paysan pour connaître avril et son océan de fleurs, ses bourdonnements d’abeilles et sa multitude d’arbres qui se bousculent pour avoir la plus belle livrée. Pour s’émerveiller du cri de l’hirondelle qui revient apportant sa joie dans la remise,
Je voulais être paysan pour connaître mai et la douceur qui revient. C’est le chant du rossignol, le murmure de l’onde sortie de la source qui nous raconte son voyage extraordinaire depuis les glaciers, les nuages, les océans et  arrive enfin entre nos mains jointes pour étancher notre soif,
Je voulais être paysan pour connaître juin et redouter sa grêle soudaine qui meurtrit, saccage et s’en va aussitôt. Pour connaître l’apogée du soleil en son point culminant de la St-Jean qui fait brûler son feu que sautent les enfants,
Je voulais être paysan pour connaître juillet, nous protéger de ses rayons de soleil brûlants, accepter sa chaleur écrasante et recevoir les premiers cadeaux de nos arbres en écoutant les derniers notes du rossignol qui s’en va,
Je voulais être paysan pour connaître août et admirer la splendeur de l’arbre et de ses bourgeons qui murmurent leur promesse pour l’année suivante, pour attendre l’orage qui nous dira que l’été s’enfuit,
Je voulais être paysan pour connaître septembre et savourer le partage de nos fruits. Pour reconnaître le gobe-mouche qui fait escale au verger et virevolte à la poursuite d’un papillon. Pour connaître à nouveau le partage du jour et de la nuit,
Je voulais être paysan pour connaître octobre et m’émerveiller des fils de la Vierge qui tapissent la terre et les champs, fils de lumière qui enchantent le paysage. Pour entendre la première grive qui nous accompagnera tout l’hiver de son ramage. Pour deviner l’imminente arrivée de la pluie et son infini cortège de nuages,
Je voulais être paysan pour connaître novembre et caresser la terre amoureuse prête à recevoir les semences,
Je voulais être paysan pour connaître décembre, regarder les flammes embraser le bois de l’arbre qui nous a nourri si longtemps et nous accompagne encore en réchauffant notre cœur et notre corps. Pour connaître ses nuits longues et étoilées.
Je voulais être paysan pour aimer et donner ce que j’ai reçu.

Patrice Reynaud

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