J'avais écrit quelque chose là-dessus dans le saut l'âme que tu m'as rendu: je te solstice en équinoxe,
et c'était bien avant que je ne connaisse ce que je devais
vivre plus tard...
L’abîme d’où je reviens était si profond, que, je ne sais
pas si tu as remarqué, j’en ai les mains encore meurtries. Ce doit être à force
de creuser chaque marche pour la remontée.
Durant ce temps que j’ai passé au fond, j’ai eu le temps de
m’habituer à l’obscurité, et de décrypter une à une toutes les écritures
laissées par des mains antérieures. Ce n’est pas facile d’avancer dans le noir,
surtout que j’étais habituée à vivre au soleil. J’ai dû faire des efforts, des
trucs incroyables, sinon je serais morte, enterrée sous le poids de la terre
humide et froide.
J’avais bien, pour me rassurer, une petite lueur, qui
vacillait là en haut, mais à un moment il m’a semblé qu’elle s’était éteinte.
Là j’ai un peu paniqué, moi, qui n’ai en général pas peur de grand chose. Je me
suis dit que tout était perdu, que ce n’était pas la peine. J’étais extrêmement
fatiguée. D'ailleurs mourir m'aurait bien arrangée. Mais dans un ultime effort
-j’ai dû faire marche arrière, je ne sais pas, toujours est-il que j’ai
retrouvé la faible lueur. J’ai recommencé à creuser chaque marche. Et j’ai
senti l’air frais. Là je me suis endormie quelques temps. Et puis fouillant
dans mon sac, pour chercher, je ne sais pas, un mouchoir, une cigarette, un
bonbon, quelque chose pour m’occuper un peu, j’ai trouvé tes carnets. Je t’ai
envoyé quelques mots, comme on allume une cigarette, avec le plaisir de la
première bouffée.
Tu as lu mes signes d’indien, ou plutôt tu as reconnu
l’indienne, tu es venu à ma rencontre. Comme un promeneur curieux. Nous nous
sommes salués, et avons décidé d’un commun accord de faire un bout de chemin
ensemble, avons choisi la même direction, nous sommes emboîtés le pas. Sans
partager le tipi. Un baiser, juste un baiser.
Je ne demande rien de plus que de vivre ce bonheur-là. De
marcher ensemble. Et d'imaginer, d'inventer de nouveaux baisers.
Je ne suis pas très douée pour les cadres, les pactes, je te
laisse le soin de t’en occuper. Je sais que la liberté est conditionnée. Juste
je te demanderais, tant que faire se peut, de me laisser voler dans ta cage,
sans te voler dans les plumes, bien sûr. En échange, je n’ai pas d’exigence,
sauf celle de ne jamais me casser. Je souhaiterais aussi que tout cela se fasse
sans faire de mal autour de nous. La pudeur n’est qu’un truc de bonnes sœurs,
et je ne suis pas une bonne sœur, ni une mère supérieure. Je suis femme. Tout
simplement. Je me suis assez battue pour ça, nom de dieu ! Laisse-moi
juste être femme. Oui j'ai fait partie de toutes ces furies qui ont essayé de
prendre la citadelle des hommes, mais je n'en fais plus partie.
Je suis devenue sage.
Je suis devenue sage.
Mes tumultes sont ceux d’une femme qui a connu le gouffre,
d’une prisonnière dont on vient de lever la peine. Il faut prendre garde de ne
pas boire trop vite l’eau qui sourd. Ce serait risquer de tarir la source avant
l’heure. Mais bien sûr que je t’accueille, toi et tes désirs forts et singuliers,
les miens sont entiers.
Malika
Malika
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